L'Europe européenne
Regardez bien cette image : c'est la carte de l'Europe, telle que vous pouvez la voir sur tous les billets de banque en cours dans les pays qui ont adopté l'Euro. L'Europe y est représentée en couleur foncée. Nos voisins et amis non-européens y sont représentés en couleur claire. On reconnaît le Maroc, l'Algérie, la Tunise et ... la Turquie !
Comme j'ai eu déjà l'occasion de le souligner, la Turquie est un pays d'Asie et non pas un pays d'Europe. La construction de l'Europe avec les états Européens est déjà suffisamment compliquée comme ça sans y ajouter des pays d'Asie Mineure.
En plus, c'est quand même extraordinaire de proposer à la Turquie d'entrer dans l'Union Européenne, alors qu'elle refuse de reconnaître un des états de l'union : Chypre ! On peut noter que l'Europe a pris soin de ne pas froisser la Turquie en la conduisant devant la Cour de justice pour l'occupation militaire illégale d'un territoire désormais européen ; mais comment pourrait-elle le faire, alors que son Tribunal pénal "international", s'est hâté à faire l'impasse sur quelques crimes de guerre en Croatie rien que pour amener le protecteur autrichien des Croates de lever ses objections à l'entrée de la Turquie dans l'Europe ? (voir Interview du Président de Chypre du 7 octobre).
D'ailleurs, dès l'annonce officielle à Luxembourg de l'ouverture des négociations de l'entrée de la Turquie dans l'Europe, la Turquie a fêté ça en procédant avec son aviation militaire à des violations massives de l'espace aérien grec au dessus des îles de Chios, Lesbos et du Dodécanèse. Vous trouvez ça normal, vous ? Pas moi.
J'ai noté dans un billet de la semaine dernière le silence apparent de Chypre et de la Grèce à l'annonce de l'ouverture de ces négociation d'entrée de la Turquie dans l'UE. J'en discutais avec un ami Chypriote Grec qui me disais que la clef de tout ça vient du fait que les Américains (et leurs alliés Anglais) veulent faire main basse sur le pétrole du Moyen Orient. Pour cela, ils ont besoin de Chypre où se trouvent deux grandes bases militaires Britanniques très importantes qui ont servi de base arrière pendant la guerre en Irak, et en plus les Américains veulent y construire une base énorme pour mieux peser sur le Moyen Orient. Dans cette histoire de superpuissances, Chypre, déchirée par l'invasion Turque, n'a pas grand chose à dire. Elle subit, et c'est tout.
Pour les Anglo-Américains, l'entrée de la Turquie dans l'union Européenne leur permet de s'installer aux portes de l'Iran, de l'Irak et de la Syrie. C'est un simple pion sur l'échiquier de la guerre du pétrole.
On est donc bien loin des idéaux de la Construction Européenne ... Et la France, qu'a-t-elle à dire sur le sujet ? Plus rien depuis le 29 mai, qui a sabordé le projet de constitution qu'elle avait elle-même élaborée, et dans lequel, je le rappelle, le premier article du premier titre de la première partie s'énonçait ainsi :
"L'Union est ouverte à tous les États européens qui respectent ses valeurs et qui s'engagent à les promouvoir en commun. "
Pour en savoir plus :
1. La Turquie est-elle en Europe ? (Chez Luc)
2. La Turquie se félicite des assurances pour sa pleine adhésion à l'UE. Son armée s'offre une fête au-dessus de l'Egée grecque. (Info Greece)
3. Interview du Président de Chypre (Info Greece)
4. La Construction Européenne est morte (Chez Luc)
Crédit image : Luc
12 Comments:
Bon, alors, si c'est juste pour faire plaisir aux ricains et aux engliches, pourquoi diable Chirac s'acharne-t-il à essayer de nous démontrer que la Turquie, c'est l'Europe ? Y'a quelque chose qui cloche dans le raisonnement...
A moins que Chichi (ou plutôt son entourage proche) reçoive des "petits" cadeaux des turcs(comme il en recevait de son excellent ami Saddam)... Là, tout deviendrait limpide...
Je pense que Chirac a sans doute d'autres motivations. Lui, il a à gérer la plus forte présence d'immigrés musulmans sur son sol de toute la communauté européenne. Il pense peut-être que cinquante millions de turcs musulmans "laïques" peuvent l'aider ...
Je ne sais pas.
J'avoue que je n'ai pas les idées très claires sur la motivation réelle de Chirac sur la question Turque.
Deux remarques : Les Iles britanniques sont en foncées, sur le billet de banque sans pour autant avoir adopté la monnaie européenne.
Ce qui suffirait à mes yeux pour exclure la GB de l'UE. (Je sais, je l'ai déjà dit, mais çà me fait du bien).
Bush a déjà fait savoir, qu'il était très favorable à l'entrée de la Turquie dans l'EU, (de quoi je me mèle : je voudrais bien voir la réaction américaine si nous avancions une suggestion sur le bien fondé de l’adhésion de tel ou tel pays d’Amérique centrale dans les accords commerciaux du continent américain)
Dans l’affaire de la Turquie partie de la CEE, la position des Angloaméricains est connue depuis longtemps et parfaitement claire, pour des raisons géostratégiques évidentes en effet
Sur la position de Chirac, j'ai ma petite idée : il a "vendu" son support à la Turquie contre la vente de 33 Airbus en juillet 2004.
Et ça cadre bien avec son goût pour être le "premier voyageur de commerce de la France"...
On se souviendra que les turcs ont longtemps laissé planer l'incertitude entre Airbus et Boeing pour le renouvellement de la flotte de la Turkish Airlines, et qu'ils ont choisi Airbus au lendemain de déclarations très favorables et "définitives" de Chirac. Ca s'est passé lors d'un sommet de l'Otan qui se tenait à Istanbul fin juin 2004. Reçu par le président turc Ahmet Sezer, Chirac déclarait « soutenir le début des pourparlers pour une admission complète de la Turquie à l’Union européenne ». Le président français alla même jusqu’à préciser : « Le processus d’adhésion de la Turquie à l’UE est un processus irréversible.» Une semaine après, on enregistrait les commandes d'Airbus.
Voilà comment on peut devenir Européen. Ca ne coûte que 33 Airbus... Au fait, quand est-ce que Royal Air Maroc renouvellera sa flotte ?
les amis
A: je trouve que:
-l'argumentation est encore trop peu factuelle (sur les motivations de Chirac en tout cas)
-il y a un peu trop de raisonnement moralisateur dans l'approche de la géostratégie.
Ne soyons pas naifs,cela reste avant tout un exercice , dur , cruel et parfois cynique de constitution de position dominante point barre.
Les USA sont, pour l'instant, la seule superpuissance et en usent, (voire en abusent) , notamment pour avoir accès à une des ressources rares du futur, les gisements d'énergie.Pendant ce temps, la Chine elle aussi achète des gisements miniers, etc...
B: Essayons donc de nous organiser pour ne pas à en subir les conséquences et efforçons nous de devenir un baby superpuissance ou en tout cas promouvoir "un pôle soutenable dans un monde plus multipolaire", avant que la superpuissance suivante ( la Chine) ne monte en puissance et n'émule un duopole avec son co-opétiteur USA , sinon on est mal à terme: Les montées des prix du pétrole , de l'acier, etc.. ne sont que le prélude de l'affrontement pour le controle des ressources clés. ensuite on aura la bataille des marchés..
Dans ce cadre, à partir de cette question turque, je me pose les questions suivantes ( sans réponse a priori, je n'ai pas creusé)
1. Pour contrecarrer cette OPA unilatérale ( ou bilatérale en fait) sur l'energie, faut il que les deux parties prenantes ( Chypre et Turquie) soient ensemble dans l'Europe ou non? et si la Turquie est dans l' Europe, cela a quel impact négatif sur la thèse Moyen Orient évoquée par Luc comme clé de lecture?
Je ne sais rien de factuel sur des motivations de notre Chirac international sur le fonds. Sur le process, je constate cependant qu'il pratique assez régulièrement une approche consistant à éviter de claquer la porte à quelqu'un qui va , un moment ou un autre, devenir partie prenante d'une discussion qui nous concerne: et si , plutot que d'aider à la vente d'Airbus, il avait avant tout cherché à donner du temps au temps et gardé les options ouvertes. ?
2. Que faisons nous pour soutenir la montée en puissance en Europe d'une alternative aux compagnies pétrolière américaines? ( Quand nous réjouirons nous des succès de Total ou de tout autre compagnie energétique de taille critique à capitaux et surtout gouvernance européenne ? (approche : soutenir les règles du jeu actuel)( ce qui évidemment ne l'autorise pas à polluer la Bretagne ,l'Espagne ou le Portugal ou ailleurs...)
3. Que faisons nous pour être moins dépendant des chaines fossiles (type pétrole? =>( nucléaire moindre mal? , Energie renouvelable ? , réduction de nos consommations énergivores en chaines CmHn, : Essayons de créer un monde où le fameux adage "En France, nous n'avons pas de pétrole, nous avons des idées" ne soit plus une complainte amère mais devienne un avantage compétitif... (approche: changer les règles du jeu)
bon je sais pas si capeu aider, mais c'était pour faire avancer le schimiliblic.
Voila que nous devenons nous meme exégèse... comme les chrétiens du 14ème à Constantinople..!
:)
Philippe, je ne doute pas que les motivations des uns et des autres soient plus profondes que la vente de quelques dizaines d'avions... Enfin, j'espère !
J'ai déjà dit ici que mon sentiment "a priori" était plutôt anti-turc, mais que j'avais aussi le sentiment que j'avais tord. Mais je n'ai pas encore compris pourquoi j'avais tord. J'espère que ça sera plus clair dans dix ans !
Nos politiques ont sans doute de bonnes raisons qu'ils ne peuvent pas étaler sur la place publique - comme les considérations géopolitiques que tu évoques... Faire quelquechose pour damer le pion à nos alliés n'est guère avouable, mais ça n'empèche pas de le faire...
Néanmoins, ton analyse irait dans le sens que la Turquie dans l'Europe, c'est bon pour l'Europe pour contrer les USA et la Chine - alors que Luc disait que ce sont les USA qui ont intérêt à la chose...
Ces considérations antagonistes démontrent que le sujet est bien obscur...
Mes raisons à l'encontre de l'entrée de la Turquie dans l'union sont celles que j'ai dites à plsieurs reprises : c'est déjà très compliqué de construire une europe à vingt-cinq (surtout sans constitution). Réalisons déjà cette étape là, on verra après. Si on continue à intégrer des nouveaux pays à tour de bras dans l'union européenne dans l'état où elle est actuellement, il n'y aura tout simplement plus de contruction possible. Est ce sera d'autant plus compliqué s'agissant d'un pays qui n'est pas dans "l'Europe européenne".
Il est bien plus efficace d'avoir une Europe unie opérationnelle avec une Turquie alliée privilégiée, plutôt qu'un mammouth paralysé et asphyxié.
Oui, c'est comme en physique nucléaire, plus le noyau est gros, plus il est facile de le briser.
Et comme en plus les forces de liaison du noyau, ne sont dèjà pas terrible...
(J'ai regardé E=mC² hier soir, çà inspire ce commentaire hasardeux)
En fait, je pense que la lumière vient en raisonnant à l'inverse : il ne faut pas se poser la question de l'intérêt pour l'Europe d'accueillir la Turquie, mais il faut se poser la question des inconvénients si nous ne l'accueillons pas...
La Turquie est une puissance en devenir. Si cette puissance s'oriente au Sud-ouest (Iran, Irak, Syrie) et au Nord-ouest (Azerbaidjan, Turkménistan, Kazakhstan, et autres Tadjikistan) plutôt que vers chez nous au Nord-ouest, ce ne sera peut-être pas bon du tout pour l'Europe...
...heu, juste au passage, pour en revenir au thème du post :
La suisse aussi apparait en foncé...
Erwan
Tu as raison, Erwan. Il y a aussi la Russie, d'ailleur - j'ai bien fait de me remettre au russe, ça va peut-être enfin me servir !
@ Patrick : il ne faut pas se poser la question de l'intérêt pour l'Europe d'accueillir la Turquie, mais il faut se poser la question des inconvénients si nous ne l'accueillons pas... ... et, à ce compte là, si on n'accueille pas l'Inde ? Et le Vietnam ? Et l'Indonésie ....
N'oublie pas qu'on peut entretenir d'excellentes relations avec la Turquie sans être obligés de coucher avec ...
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