Chez Luc (brèves de comptoir)

"Chez Luc", le bar où l'on peut venir bavarder ensemble à propos des choses qui fâchent, ou qui réjouissent, ou qui émeuvent ... Je vis près d'Avignon, en Provence. J'ai trois bons copains qui viennent au bar pour nous raconter la dernière du jour : Jack, de Belinto en Provence, Patrick, d'Audierne en Bretagne, et Philippe, de Piriac en Bretagne du sud (qu'on appelle aussi "Pays de Loire").

Les auteurs (le patron et les habitués)

Photo Luc

Luc, Avignon

Photo Padraig

Padraig, Audierne

Photo Jack

Jack, Belinto

Photo Philippe

Philippe, Piriac

dimanche 10 juillet 2005

A propos d'ITER



Or donc, c'est à Cadarache, près d'Aix en Provence que ITER va être construit avec premiers essais prévus en 2016. Avec tous ça, on n'avait pas eu le temps d'en dire un mot.

Bon, comme vous le savez, l'énergie nucléaire actuelle utilise la technique de la fission nucléaire. On prend des atome très lourds (donc très radioactifs), genre uranium 235, et on les casse en deux en les bombardant avec un neutron, et ça libère une énergie considérable. C'est "sale", ça fait des déchets dont on n'arrive pas à se débarrasser, mais on maîtrise bien la technique.

La bombe "A" utilise cette technique, sauf qu'on casse du plutonium 239 au lieu d'uranium 235.

ITER, c'est la fusion nucléaire. D'ailleurs, il est plus appropré de parler de fusion thermonucléaire. En effet, au lieu de casser un atome lourd en deux, on va fusionner deux atomes légers, par exemple de l'hydrogène, qui va se transformer en hélium : c'est ce qui se passe dans le Soleil, à une température d'environ 15 millions de degrés. c'est également ce qui se passe dans les bombes H, qui utilisent du deutérium (hydrogène chargé). Dans ITER, c'est du deutérium qui fusionne avec du tritium pour donner de l'hélium et un neutron, comme ceci :



Donc, le problème central qui se pose, c'est la température. A plus de 10 millions de degrés, il n'y a aucun matériau qui tienne ! Comment on va construire la gamelle dans laquelle on va fusionner l'hydrogène (sous forme de deutérium et de tritium) ? Eh bien, on ne peut pas, donc on va ruser.

ITER, c'est un tokamak de 500 mégawatts, qui confine l'hydrogène dans un plasma à 100 millions de degrés, le tout tenu en place par un champ électromagnétique super puissant obtenu grâce à des matériaux supraconducteurs.

Bon, ça a l'air cool, comme ça, mais il y a quand même plusieurs soucis. Un des soucis, c'est que la réaction deutérium + tritium produit une émission de neutrons rapides. Ces neutrons rapides, n'ayant pas de charge, ne peuvent pas être confinés par le champ électromagnétique du tokamak, et donc, il peuvent être capturés par les atomes de la paroi de l'enceinte du tokamak, lesquels du coup transmutent en isotopes radioactifs.

Donc, c'est nettement plus propre que la fission nucléaire, mais c'est pas total clean.

Et puis, quand même, c'est pas très facile à contrôler, cette réaction. Quid si ça déclenche une réaction en chaîne ? On aurait une grosse surprise genre Castle Bravo, qui généra une zone d'exclusion d'un rayon de 1200 km (1% de la surface de la Terre) ?

Finalement, c'était très bien au Japon, ce truc.

Pour en savoir plus :
1. ITER (site officiel)
2. Fission nucléaire (Wikipédia)
3. Fusion nucléaire (Wikipédia)
4. Castle Bravo (Wikipédia)
5. Fusion froide (Wikipédia)
6. Aprés la Fusion froide la "Sonofusion" (Chez Luc)

Crédit image : ITER

8 Comments:

Blogger Jack said...

Energie propre ou pas propre ne me semble pas être la question principale qui se pose. Ce projet ne serait-il pas une gigantesque meule de « fromage » pour les « seigneurs » de la physique : ceux des hautes énergies ?
Comme le décrit Luc en terme abordable pour les quidams que nous sommes, il faut confiner cette réaction dans une « bouteille » magnétique. Cette réaction génére des neutrons (très trés) rapides que rien n’arrête, en tout cas il n’y a pas la queue d’un début de solution pour protèger la matiére de ce joli joujou du bombardement de ces neutrons, qui aurons tôt fait de déglinguer les noyaux de toute la matière qui se trouve autour.
J’ai le vague sentiment que ce projet, porteur d’emploi et d’activité (déjà générateur de spéculation foncière), est voué à l’échec pour ce qui concerne la mise au point d’un réacteur de fusion.
Si l’on veut rester optimiste, nous pouvons parier que ces recherches pourraient ouvrir d’autres portes aujourd’hui totalement inconnues : comme souvent les chercheurs trouvant autre chose que ce qu’ils cherchent…

dimanche, 10 juillet, 2005  
Blogger Vicnent said...

une chose pour le moins importante à dire, parce que c'est surtout pour cette raison que l'on "mise" sur ITER et la fusion nucléaire : une fois amorcée, elle dégage plus d'energie qu'elle n'en consomme... bien relire cette phrase, en comprendre l'implication planétaire....

dimanche, 10 juillet, 2005  
Blogger Luc said...

Non, mais, je suis pour braver l'inconnu et faire avancer le schmilblik, bien sûr. Mais, je ne sais pas pourquoi, j'ai une vague sensation qu'on est en train de faire une grosse connerie, là.

Mais bon, laissons les chercheurs chercher et les trouveurs trouver.

Au passage, c'est marrant, les Américains se plaignent qu'ils perdent le leadership mondial de la recherche au profit des Européens (et aussi de la Chine et de l'Inde). Rigolo : je croyais que c'était le contraire.

Pour en savoir plus :
1. U.S. losing lead in science and engineering-study

dimanche, 10 juillet, 2005  
Blogger Padraig said...

@vicnent : l'énergie vient bien de quelque part : elle vient le défaut de masse entre les constituants initiaux et les constituants finaux (e=delta m x c²)...

Ceci étant, Jack avait fait remarquer il y a quelques temps que le Tritium n'était pas un corps très répandu dans la nature... Enfin, y'en a sans doute suffisament pour tout faire sauter !

Quand au danger de ce genre d'appareil, je n'ai pas le sentiment qu'il est supérieur à celui des centrales classiques (où il y a dans le coeur une masse critique dont il faut réguler soigneusement la fission - si il y a un défaut de régulation, ça s'emballe). Dans un Tokamac, on injecte le deutérieum et le tritium au fur et à mesure de la réaction, juste en quantité suffisante. Ca ne peut donc pas s'emballer. Enfin, je pense...

dimanche, 10 juillet, 2005  
Blogger Padraig said...

Quant à la question de savoir si ce genre de recherche est souhaitable ou non, je pense que la recherche "en général" est un ingrédient fondamental du devenir de l'Humanité (notez le H majuscule). Et cette recherche-ci ne fait pas exception. Vive Iter ! Et tant mieux que ce soit chez nous (après la récente série de déconvenues pour la France, ça met un peu de baume au coeur !).

dimanche, 10 juillet, 2005  
Blogger Jack said...

Ah, pardon si j'ai blessé un physicien. L'expression seigneur, c'est juste pour sinifier que c'est de la physique lourde et chère. Les dépenses englouties dans les projets pharaonique à l'issue trés incertaine pourraient manquer à beaucoup d'autres voies tout aussi incertaines, mais plus nombreuses.
Je ne suis pas physicien, mais je me mefie du gigantisme et de la concentration, qui peuvent transformer le progrès en catastrophe.
Propre ou pas, n'est pas un sujet qu'il me semblait avoir souhaité abordé.
PS : A ce propos, je ne suis pas un antinucléaire, mais je trouve choquant de dessiner des petits garçons sur les aéroréfrigérants des centrales!

lundi, 11 juillet, 2005  
Blogger Ally said...

Moi je trouve qu'il est génial ce projet ! Bon c'est clair qu'on en maîtrise pas encore tous les aspects mais c'est plein d'espoir !!! :D On verra bien dans 20ans de toute façon. :D

lundi, 11 juillet, 2005  
Blogger Padraig said...

Tiens, notre cher Président a lâché lors de son discours du 14 juillet que le budget de la recherche allait être substantiellement augmenté. Bravo, applaudissements, vive Chirac.

L'ennui, c'est que l'argent est déjà engagé ! En effet, pour remporter ITER à Cadarache, Chirac a dû accepter de financer 50 % du coût d'ITER, soit 4,2 milliards d'euros (qui passeront sans doute à 6 milliards après les révisions etc.). Or, le budget de la recherche en France est de 8,89 milliards d'Euros. Si on ne veut pas licencier de très nombreux chercheurs et fermer des labos, il faut mécaniquement augmenter le budget.

L'annonce d'une augmentation du budget de la recherche n'est que l'annonce qu'il faut maintenant passer à la caisse pour ITER (mais Chirac s'est bien gardé de le préciser)...

Malgré ce prix, je suis content qu'on fasse ITER et que ça soit en France. Je pense réellement que la recherche est une composante essentielle du développement de l'humanité. D'ailleurs, même cette augmentation de budget ne nous mettra pas encore en ligne avec les directives Européennes qui demandent aux Etats de dépenser 3 % de leur PIB en recherche (actuellement, en France, c'est 2,2 %).

vendredi, 15 juillet, 2005  

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