Chez Luc (brèves de comptoir)

"Chez Luc", le bar où l'on peut venir bavarder ensemble à propos des choses qui fâchent, ou qui réjouissent, ou qui émeuvent ... Je vis près d'Avignon, en Provence. J'ai trois bons copains qui viennent au bar pour nous raconter la dernière du jour : Jack, de Belinto en Provence, Patrick, d'Audierne en Bretagne, et Philippe, de Piriac en Bretagne du sud (qu'on appelle aussi "Pays de Loire").

Les auteurs (le patron et les habitués)

Photo Luc

Luc, Avignon

Photo Padraig

Padraig, Audierne

Photo Jack

Jack, Belinto

Photo Philippe

Philippe, Piriac

dimanche 31 mai 2009

Jeannette Labeille et la Dame Blanche



Hier, on est allé se ballader à Vénasque. Et en rentrant dans l'église du village, j'ai remarqué ce texte affiché sur un panneau. Je l'ai trouvé très simple et très émouvant. On dirait du Giono. Je l'ai recopié pour vous. Le voici :

Dame Blanche,
Notre-Dame de Vénasque,
vous me connaissez bien :
Je suis la Jeannette Labeille, de Marcieux.
Ca fait au moins la dixième fois que je vous rend visite, en voisine, en commère,en amie.
Je suis venue, toute petite, avec mon père et ma mère, portant mon repas fièrement dans un panier.
Je suis revenue, jeune fille, avec mon beau fichu et ma petite croix d'or, et je riais, en chemin, entre deux dizaines de chapelets ou deux cantiques.
Je suis revenue femme, au bras du Claude, mon mari, qui avait mis ses beaux habits du dimanche.
Je suis revenue mère, avec des petites mains accrochées à ma jupe.
Je vous reviens aujourd'hui, après la cinquantaine ; et peut-être pour la dernière fois, parce que je me fais vieille.
Vous me reconnaissez, Dame Blanche ?
Je vous reviens seule, sans autre compagne que ma solitude.
Le Claude est mort, l'an dernier d'une crise cardiaque. Et les enfants ont grandi ; beaucoup sont partis pour Marseille, pour Lyon et plus loin encore. Les autres marchent tout seuls et ne me suivent plus.
Je suis comme vous après la mort de votre Fils, Dame Blanche.
Je viens vous voir parce que je suis seule et que vous êtes seule, pour causer un brin,entre femmes, entre mères.
Ca fait plaisir, n'est-ce pas, Dame Blanche ?

Je suis passée par les petits sentiers des collines. Je les connais, vous savez, mais c'est dur à nos âges, et puis il faisait chaud, alors je suis bien lasse. Et il faudra reprendre la route, parce que le travail attend.
Ce ne vous gène pas que je m'asseye un moment dans la bonne fraîcheur de la chapelle, devant votre image ?
J'ai tant de choses à vous dire, et je ne sais pas par quel bout commencer.
Tout de même si : je veux vous remercier, Dame Blanche.
Merci, parce que le Claude a été un bon mari, pas causant, mais fidèle, travailleur et gai.
Merci, parce que mes enfants ont tous bien grandi.
Merci, parce que nous n'avons jamais eu beaucoup d'argent (en avoir trop, ce n'est pas toujours source de bonheur) mais du pain, nous en avons eu tous les jours.
Merci, parce que vous m'avez gardé la santé, les jambes solides, les mains actives et la langue bien leste !
Merci, parce que la vie m'a tellement occupée que je n'ai pas eu le temps de penser au mal, sauf quelques médisances, et quelques mots un peu trop vifs, au Claude, quand il avait bu son coup au marché de Carpentras, le vendredi, et puis quelques tapes aux gamins, lorsqu'ils m'énervaient.
Vous savez, Dame Blanche, c'est bien difficile d'éviter ça, à moins d'être une sainte comme vous, sans péché.
Malgré l'ouvrage et les soucis, j'ai fait ma prière matin et soir, sans oublier le Je vous salue Marie, et je n'ai pas manqué la messe le dimanche ; pourtant la maison était loin de l'église.

Mais je vous fatigue, et le temps passe, et le soleil descend.
Il va falloir repartir, à travers les collines.

Dame Blanche, c'est peut-être la dernière fois que je viens vous voir.
Vous vous rappellerez de ma visite, Dame Blanche ?
Vous en parlerez à votre Fils ?
Vous vous rappellerez la Jeannette Labeille, de Marcieux, Dame Blanche ?


Pour en savoir plus :
1. Vénasque (Wikipédia)

Crédit photo : Julien

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4 Comments:

Blogger Jack said...

Tes fréquentes visites au couvent semblent te pousser sur la pente du mysticisme, attention Luc...l'âge venant, on peut être tenté par les marchands de paradis.
Mais c'est vrai qu'on dirait du J.Giono, peut-être en est-ce vraiment?

mercredi, 03 juin, 2009  
Blogger Luc said...

@ Jack : je te rassure, je ne glisse pas sur la pente savonneuse du bénitier. Pour moi, le paradis, c'est ici et maintenant !

Mais cette "tranche de vie" m'a ému. En lisant ça, j'avais la gorge serrée. Les mots de la Jeannette, je les ai trouvés simples et vrais.

D'un autre côté, tu le sais, il ne m'en faut pas beaucoup pour avoir les paupières humides. Je suis un gros sensible, sous mes airs zen et sûr de moi !

;-)

mercredi, 03 juin, 2009  
Blogger Betty said...

c'est beau trés beau beau à en pleurer je suis d'accord avec toi Luc une si belle simplicité c'est tellement émouvant !

mercredi, 03 juin, 2009  
Blogger Padraig said...

C'est vrai, c'est simple et émouvant...

Mais qui en est l'auteur ? Jeannette Labeille existe-t-elle (ou a-t-elle existé) vraiment ?

mercredi, 03 juin, 2009  

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