Chez Luc (brèves de comptoir)

"Chez Luc", le bar où l'on peut venir bavarder ensemble à propos des choses qui fâchent, ou qui réjouissent, ou qui émeuvent ... Je vis près d'Avignon, en Provence. J'ai trois bons copains qui viennent au bar pour nous raconter la dernière du jour : Jack, de Belinto en Provence, Patrick, d'Audierne en Bretagne, et Philippe, de Piriac en Bretagne du sud (qu'on appelle aussi "Pays de Loire").

Les auteurs (le patron et les habitués)

Photo Luc

Luc, Avignon

Photo Padraig

Padraig, Audierne

Photo Jack

Jack, Belinto

Photo Philippe

Philippe, Piriac

mardi 15 mai 2007

Chimères, mosaïques et tests ADN

Lydia Fairchild

La femme que vous voyez ci-dessus s'appelle Lydia Fairchild. Elle a une particularité : elle possède deux ADN différents. L'ADN de ses cheveux et de sa peau est différent de l'ADN de son cerveau. C'est ce qu'on appelle une chimère.

En 2002, elle a demandé une allocation familiale, et on lui a demandé de passer des tests ADN pour prouver que ses trois enfants étaient biens les siens. C'est la règle dans l'état de Washington. Quand les tests ADN sont revenus, ils ont confirmés que le père était bien Jamie Townsend, son compagnon, mais ils ont "prouvé" qu'elle n'était pas la mère de ses enfants !

Elle a dû se battre pour garder les trois enfants qu'elle avait effectivement mis au monde. Mais, face à une telle "preuve scientifique", c'était peine perdue. Elle était au bord du désespoir quand une nouvelle est arrivée de Boston : Karen Keegan, une professeur de 52 ans avait besoin d'une greffe de rein. Quand ses trois fils ont été testés pour compatibilité génétique, on s'est aperçu que deux de ses fils sur trois avaient un ADN incompatible avec le sien ! D'autres prélèvement ADN ont été effectués sur Karen Keegan, et on s'est aperçu qu'elle était une chimère, porteuse de deux code ADN différents. Un article a été publié dans The New England Journal of Medicine daté du 16 mai 2002, et c'est ce qui a sauvé Lydia Fairchild.

Comment se crée une chimère ? L'hypothèse la plus vraisemblable est la suivante :

chimera_formation.jpg


La maman de Lydia (et de Karen) a produit simultanément deux ovules (3 et 4 sur l'image). Et chaque ovule a été fécondé par deux spermatozoïdes différents (1 et 2). Les deux ovules fécondés (1,3 et 2,4) ont ensuite fusionnés pour donner un embryon hétérogène avec à la fois le code ADN 1,3 et le code ADN 2,4. C'est comme cela qu'on fabrique une chimère. C'est "deux faux jumeaux en un", au niveau génétique.

Voilà pour les chimères, mais il y a aussi les mosaïques. Là c'est un peu différent. Il s'agit au départ d'un enfant normal, mais, quand les cellules vont se reproduire, il va y avoir des erreurs de copie au niveau du code ADN. Et alors, dans un même individu, on va avoir des "codes mutants", un peu différent du code ADN principal, comme ceci :

DNAmutation.jpg

Ceci pose un peu moins de problèmes au niveau des tests ADN, parce que les codes "mosaïques" sont proches les uns des autres, alors que dans les chimères, les deux codes ADN peuvent n'avoir strictement aucun rapport entre eux. Rappelez-vous les deux ravissantes jumelles en noir et blanc dont je vous avais déjà parlé.

Pourquoi je vous raconte tout ça ? Pour en arriver à ceci : depuis qu'on a trouvé le test ADN, on s'en sert à tout bout de champ pour prouver qu'un meurtrier était bien coupable ... ou pas, ou pour savoir si un resistant a bien retrouvé son fils né à Buchenwald.

Eh bien, maintenant que vous en savez autant que mois sur le sujet, vous avez compris que le test ADN est un test positif, mais pas négatif. Il permet de confirmer un lien, mais en cas de réponse négative, on ne peut rien conclure directement.

A moins de faire une seconde batterie de tests très très poussée.

Pour en savoir plus :
1. Lydia Fairchild (Wikipedia)
2. She's Her Own Twin (ABC news)
3. Chimera (genetics) (Wikipedia)
4. Human Health and hte Genome (Understanding Genetics)
5. A Tetragametic Human (Kimball's Biology Pages)
6. Des jumelles en noir et blanc (Chez Luc)
7. Test ADN négatif: le résistant va aider l'enfant homonyme né à Buchenwald (Le Monde)

Crédit photo : ABC news

2 Comments:

Blogger Padraig said...

Ah, oui, rigolo.

J'imagine que le processus de double fécondation suivi d'une fusion doit être asez commun, mais que, dans la plupart des cas, le micro-embryon ainsi formé n'est pas viable pour raison d'incompatibilité génique. Mais ici, on a dans le même individu deux génomes différents mais parfaitement compatibles... Peut-être une voie de recherche en matière de compatibilité pour les greffes d'organes par exemple...

mercredi, 16 mai, 2007  
Blogger Padraig said...

Toujours dans le style "je mélange tout et il en sort quand même quelque chose" : voici les jumelles nées de deux mères différentes !

Qu'est ce qu'on pourrait bien encore inventer ? Avez-vous des suggestions ?

lundi, 04 juin, 2007  

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