Lundi 1er juin, à 4h14 du matin, heure française, l'Airbus A330-200 du vol Air France 447 Rio de Janeiro - Paris envoie son dernier message automatique signalant une dépressurisation brutale et vient percuter la surface de l'océan Atlantique.
Dans une vie précédente, il se trouve que j'ai travaillé dans l'industrie aéronautique et quand j'entend ce que racontent certains journalistes, j'ai eu envie de réagir. D'où cet article.
Que s'est-il passé ? On va peut-être le savoir un jour, mais, pour moi, le scénario le plus probable est le suivant :
A 3h30 du matin (heure française), les pilotes envoient un dernier message au centre de contrôle brésilien de Fernando de Noronha, indiquant qu'ils vont rencontrer une forte zone de turbulences. Puis, il rentrent dans le
Pot au Noir, zone équatoriale où se trouvent les
Cumulonimbus les plus impressionnants de la planète, certains culminant à 15 000 mètres, c'est à dire bien au dessus de l'altitude de croisière des avions de ligne qui est à 11 000 mètres. Et certains peuvent avoir 100 km de diamètre !
En plus, c'est une zone de black-out total. On sort de tous les écrans radars, et il n'y a plus de communications possibles, sauf par satellite. D'ailleurs, comme ces communications satellite ne sont pas très fiable, les pilotes expérimentés testent toujours la liaison satellite avant d'entrer dans une zone comme ça.
Au passage, notons que le fait qu'aucune communication directe n'est possible n'a pas empêché la presse déchaînée de raconter que des passagers avaient envoyé des SMS à leurs proches juste avant la catastrophe !!! (lire
Paris-Normandie et
Jornal de Noticias)
Donc, l'avion rentre de nuit dans le "Pot au Noir".
Regardez bien l'image ci-dessous. C'est un cockpit d'Airbus A330-200.
A l'extérieur, vous pouvez voir les cumulonimbus. Et, sur l'avant-dernier écran à droite, vous pouvez voir l'image du radar météo embarqué à bord de l'avion. Les taches rouges représentent les zones à éviter à tout prix.
Par exemple, sur l'écran ci-dessus, il est clair qu'il ne faut pas aller à l'azimuth 16.
Mais, là, la tempête était formidable. Il y avait des cumulonimbus partout. Et les pilotes ont essayé de slalomer entre les colonnes d'énergie pure qui défilaient à droite et à gauche, en pleine nuit, avec des éclairs sans arrêt.
Normalement, ils auraient dû passer au travers. cela n'a pas été le cas. Pourquoi ?
Ma conviction, c'est qu'ils ont mal interprété les images du radar, comme ça a été une fois le cas aux Etats-Unis il y a une vingtaine d'années au dessus du Texas. Quand, face à vous, vous avez du rouge partout sur le radar, vous allez décider de traverser là ou le rouge est le plus fin, espérant se retrouver rapidement de l'autre côté.
Sauf qu'il n'y a pas d'autre côté.
Quand une cellule de cumulonimbus est super puissante, il peut arriver que le radar n'arrive pas à pénétrer dedans. Et donc, ce qui apparaît sur l'écran comme un croissant de lune rouge assez fin n'est en fait que la surface impénétrable du monstre.
Une fois dedans, l'avion est perdu. Il est happé par un vent cisaillant (
Wind shear) très brutal. Un "trou d'air" de trois mille mètre de profondeur. L'avion n'est plus manoeuvrant. Et, après avoir chuté pendant trois ou cinq mille mètres, sa structure explose sur l'air quand il retrouve sa portance et les débris de l'avion tombent dans l'océan dans un rayon de quelques kilomètres seulement, vu qu'il tombait de onze mille mètres (et certainement pas dans un rayon de 300 km, comme on a pu le lire dans la presse déchaînée !) Les Airbus sont testés pour résister à des trous d'air très très violents. Mais celui-là aura été bien au delà de ce que la structure de l'avion pouvait supporter.
La douzaine de messages automatiques de maintenance envoyés par satellite en rafale à 4h14 du matin ont été la
conséquence de cette chute dans le trou d'air du siècle, pas la cause. Et, bien entendu, quand un Airbus A330-200 tombe à la verticale, on n'a pas trop le temps d'envoyer un "mayday" ...
Voici une liste partielle de ces messages automatiques (source :
ABC news) :
- Autopilot disengaged
- Computer systems switched to back-up
- Instruments for altitude and airspeed lost
- Controls to keep plane stable failed
- Cabin pressure lost (last one - very rapid descent)Je ne pense pas détenir la vérité. Mais pour moi il est clair que la foudre ne peut pas empêcher un avion de voler. Je n'y crois pas une seconde. Et, bien que cet avion soit équipé de commandes électriques (ce qui signifie qu'il n'est plus pilotable en cas de panne électrique), les systèmes sont tellement redondants que j'ai du mal à croire à une panne de ce type.
Cet Airbus a été détruit par les forces de la nature. Il a pénétré dans un cumulonimbus monstrueux dans lequel il ne devait pas aller. C'est comme ça que je pense que c'est arrivé.
Pour en savoir plus :
1.
Les vents cisaillants (aviation-fr.info)
2.
Wind shear (Wikipedia)
3.
Vol 447 Air France (Wikipédia)
4.
Sept questions autour du drame (Le Parisien)
5.
Air France: This One's Gonna Be Tough (AVwebinsider)
6.
Les failles des radars au-dessus des océans (Le Nouvel Obs)
7.
Carte de la zone de disparition du vol Rio-Paris (Le Monde)
Crédit photos : Plane Talking, The Wall Street Journal, Darren Howie, FlySafe