Privatisation de 58 centrales nucléaire : non merci.
L’Etat a décidé de privatiser en partie la société EDF. Bien. Je n’ai rien contre le principe des privatisations. Qu’on privatise Gaz de France, pas d’objection. Qu’on privatise La Poste, pourquoi pas. Qu’on privatise la RATP, je veux bien. On a privatisé France Telecom, parfait. Air France est privé, pas de soucis. Dans le cas d’EDF, certains pourraient voir d’un bon œil une « normalisation » du statut des employés et une « remise à plat » du rôle des syndicats.
Mais EDF est un animal à part. C’est une exception mondiale. Une société de production et de transport d’électricité basée à 70 % sur le nucléaire.
Or, en matière de risques, une centrale nucléaire, ce n’est pas exactement la même chose qu’une centrale thermique par exemple. Si une centrale thermique est mal gérée, elle finira peut-être par exploser, et ça fera, disons, 10 morts et on en restera là. Si une centrale nucléaire fond son réacteur, les conséquences peuvent être tout autres. On ne peut que se référer à deux cas d’accidents majeurs. Chernobyl en Ukraine a causé la mort de plusieurs milliers de personnes - sans compter des décès induits par une augmentation des cancers de la thyroïde (x 9) qui ne seront sans doute jamais dénombrés. Par miracle, l’accident de la centrale de Three Mile Island aux USA n’a pas causé de décès, malgré des rejets de matériaux radioactifs sur la population avoisinante de 2 millions de personne.
Outre des défauts de conception de la centrale, l’accident de Chernobyl a été causé par un « défaut de culture de sécurité », par la « violation des procédures » et par des "défauts de communication avec la hiérarchie". Celui de Three Mile Island a été causé par la défaillance d’une pompe puis d’une vanne, et d’un système d’information qui a trompé les opérateurs.
Tout ça pour dire que les conséquences d’un accident majeur dans une centrale nucléaire est sans commune mesure avec un accident majeur dans une centrale thermique (gaz, charbon, pétrole).
On peut d’ailleurs en dire autant des centrales hydroélectriques. La défaillance du barrage de Malpasset en 1959 a causé la mort de plus de 500 personnes. Et nombre de barrages en France menacent des villes importantes (ex. : le barrage du Monteynard menace directement Grenoble d’une immersion sous 275 millions de m3 d’eau).
En conséquence, je suis très réservé à l’idée de confier la gestion de nos 58 centrales nucléaires et de nos plus gros barrages hydroélectriques (une cinquantaine) à des intérêts privés. Non que le privé soit à priori moins à même de les gérer en toute sécurité, mais on ne peut pas exclure que, dans des circonstances économiques tendues, le gestionnaire privé ne soit pas tenté d’assouplir des procédures coûteuses pour améliorer la rentabilité… Et ça, je ne souhaite pas en courir le risque.
Il est vrai que l’Etat ne met aujourd’hui dans le public que 15 % du capital d’EDF, en se réservant de mettre encore 15 % supplémentaires plus tard… Dans ce scénario, le contrôle reste à l’Etat. Mais de 85 % puis 70 % de contrôle, je vois venir le désengagement à 49 %, voire le désengagement total. Et là, je dis par avance NON.
EDF, malgré tout le mal qu’on peut en dire, a, depuis 50 ans, fourni de façon économique et en sécurité de l’électricité nucléaire aux français (et même ailleurs dans le monde). Changer les règles du jeu c’est, de mon point de vue, jouer avec le feu…