La mariée n'était pas vierge
Tarek et Aïcha (*) sont très amoureux l'un de l'autre. Lui est ingénieur, elle est étudiante. Ils décident de se marier, et la noce a lieu le 8 juillet 2006.
Et, lors de la nuit de noces, Tarek découvre qu'Aïcha n'est pas vierge. Vert de rage, il interrompt les festivités, et se présente chez son avocat dès le lendemain pour voir comment il peut répudier son épouse. Ils décident ensemble d'invoquer l'article 180 du Code Civil sur les demandes en nullité de mariage, qui permet à l'un des époux de demander l'annulation du contrat "s'il y a eu erreur dans la personne ou sur des qualités essentielles de la personne".
Je vous laisse imaginer dans quel état est Aïcha, face à la réaction de l'homme à qui elle vient d'accepter de s'unir pour la vie ...
Et le 1er avril 2008, près de deux ans après le mariage, le tribunal de grande instance de Lille, a accédé à la demande de Tarek, en précisant que l'époux avait "contracté mariage avec Aïcha après que cette dernière lui a été présentée comme célibataire et chaste". "Estimant que la vie matrimoniale a commencé par un mensonge, lequel est contraire à la confiance réciproque entre époux, pourtant essentielle dans le cadre de l'union conjugale, il demande l'annulation du mariage."
Face à un tel jugement, la réaction d'indignation est unanime. Il n'y a guère qu'une personne pour défendre la décision rendue par le tribunal, c'est ... Rachida Dati ! (**)
Alors, revenons sur les faits.
Comment a-t-on pu prouver qu'Aïcha n'était pas vierge ? On dit "cette femme a menti". Mais enfin, depuis quand l'absence d'hymen est-elle une preuve de non virginité ? L'hymen peut être déchiré suite à une activité sportive ou un accident. C'est fréquent, et cela ne rend pas les filles à qui ça arrive moins vierge pour autant ... Et, si ça se trouve, elle ne le savait même pas, que son hymen n'était pas parfaitement fermé.
Alors, sans doute, suite à la fureur de son mari, a-t-elle pris peur et a-t-elle avoué n'importe quoi ...
Et c'est sur la base d'un "aveu" obtenu dans des circonstances aussi dramatiques que la justice française, laïque et républicaine, a décidé d'annuler purement et simplement le mariage d'Aïcha, ne lui laissant même pas les droits qu'elle aurait pu obtenir d'un divorce en bonne et due forme. Là, c'est tout simplement comme si le mariage n'avait pas eu lieu. Aïcha se retrouve sans rien, à part la honte et l'impossibilité de se remarier avec un musulman pur et dur. Il ne lui reste plus qu'à changer de nom, et aller se faire recoudre l'hymen au Maroc.
Finalement, notre justice laïque et républicaine, égale pour tous, a appliqué la Charia, à Lille, le mois dernier ... Au passage, notons que c'est la première fois dans l'histoire de la justice française qu'une annulation de mariage est prononcée pour tromperie sur virginité !
Alors, moi, je pose juste une question : si les époux s'étaient appelés Vincent et Catherine au lieu de Tarek et Aïcha, le tribunal de grande instance de Lille aurait-il rendu le même verdict ?
Pour en savoir plus :
1. Mariage annulé: les féministes, les antiracistes et les laïcs protestent (AFP)
2. Débat après l'annulation d'un mariage entre musulmans (Le Monde)
3. Mariage annulé : la justice sur la sellette (Europe 1)
4. Hymen recousu, honneur sauvé (Bondy Blog)
5. Mme Dati défend l'annulation d'un mariage pour mensonge sur la virginité (Le Monde)
6. A Lille, crime de lèse-virginité (20 Minutes)
7. L’épouse a menti sur sa virginité, le mariage est annulé (Libération)
8. Tous unis contre l’annulation (Libération)
(*) Les prénoms ont été changés.
Crédit photos : Europe 1 et pcinpact
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(**) mise à jour 16 h 30 :
rectificatif, il y a une autre personne qui soutient la juge, c'est Maître Eolas :
Pour en savoir plus :
1. N'y a-t-il que les vierges qui puissent se marier ? (Maître Eolas)
2. Le texte presque intégral du jugement (Maître Eolas)
Libellés : chroniques de la religion ordinaire, portnawak