Vous croyez, comme tout le monde, que l'élection présidentielle française est une élection au suffrage universel direct à deux tours et à bulletin secret, le premier tour ayant lieu le 22 avril, et le deuxième tour le 6 mai 2007.
Eh bien, détrompez-vous.
Il y a un troisième tour, qui se déroule
avant les deux autres, qui aura lieu le 16 mars et qui, lui,
n'est pas à bulletin secret. Il s'agit du "parrainage" qui a été mis en place à l'occasion de
la première élection présidentielle au suffrage universel direct de 1965, qui a été remportée par Charles De Gaulle. Mais à l'époque, seuls 100 parrainages suffisaient, et puis c'est tout.
En 1974, Valéry Giscartd d'Estaing a changé tout ça. Pour empêcher l'accès à la présidentielle des "candidats fantaisistes", il a fixé la barre à 500 signatures, qui en plus doivent provenir d’au moins 30 départements ou territoires d’outre-mer différents. Mais en plus un candidat ne peut en rassembler plus de 50 par département – afin d’éviter les plébiscites locaux.
Ceux qui peuvent parrainer un candidat sont les suivants : députés, sénateurs, membres français du Parlement européen, conseillers régionaux et généraux, maires, et les mandataires d’Outre-mer. Soit un total de 47.289 parrains potentiels. Mais les maires sont les plus sollicités, vu qu'ils sont 36.700 en France.
Tout cela est déjà bien contraignant, mais il vient s'ajouter une barrière supplémentaire. Ces parrainages ne sont pas anonymes.
En effet, selon la loi du 6 novembre 1962, le nom des parrains est rendu public par le Conseil constitutionnel au moins une semaine avant le premier tour de scrutin, «dans la limite du nombre requis pour la validité de la candidature». Concrètement, 500 signatures sont tirées au sort et publiée au Journal officiel. Jean-Marie Le Pen ou d’autres candidats n’obtenant en général guerre plus de 500 soutiens, ces élus sont donc presque certains de voir leur nom apparaître.
Lors des trois précédents scrutins, l’intégralité des parrainages avait même été affichée dans les locaux du Conseil constitutionnel l’espace de quelques jours. Les sages ont demandé à ce que cette mesure devienne la règle… ce que le Parlement a refusé. En conséquence, le Conseil constitutionnel s’en tiendra cette année au tirage au sort.
Tout ça pour en arriver à quoi ? Et bien tout simplement au fait que le maire d'une petite commune verra son nom affiché avec en face le nom du candidat qu'il aura parrainé. Et, bien sûr, vous imaginez la suite.
Disons les choses clairement : notre élection présidentielle est un suffrage à trois tours. Le premier aura lieu le 16 mars. La liste qui sera affichée alors aura été non pas le résultat de la réflexion d'un ensemble d'élus responsables, mais bel et bien le résultat de la pression exercée par les grands partis en place, ce qui n'est pas, me semble-t-il, une démarche très démocratique.
Quand on connaîtra les résultat de ce "troisième tour" du 16 mars, nous pourrons peut-être nous rappeler cette citation célèbre attribuée à Voltaire :
"Je ne suis d'accord avec vous ni sur l'essentiel, ni sur l'accessoire. Par contre, je me battrai jusqu'à mon dernier souffle pour que votre voix soit entendue. "Pour en savoir plus :
1.
Parrainages, mode d’emploi (Le Figaro)
2.
Élection présidentielle française de 2007 (Wikipédia)
Crédit photo : DRLibellés : élections présidentielles 2007